La Cour d’appel de Bosnie a confirmé vendredi la condamnation du chef politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, à un an de prison et 6 ans d’inéligibilité, une décision balayée par l’intéressé alors que l’UE a appelé au respect de cet arrêt. La Bosnie a été secouée ces derniers mois par une grave crise, l’une des pires depuis la guerre (1992-1995), déclenchée par les actions du président de la Republika Srpska (RS), l’entité des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik.
Milorad Dodik, 66 ans, a été condamné fin février à un an de prison et six ans d’inéligibilité pour non-respect des décisions du Haut représentant international, chargé de faire respecter l’accord de paix. Peu après la confirmation de sa condamnation en appel, l’UE, à laquelle la Bosnie candidate, a appelé «toutes les parties» à respecter l’arrêt: «L’arrêt est contraignant et doit être respecté», a souligné dans un communiqué une porte-parole, Anitta Hipper.
Au même moment depuis son chef lieu de la RS, Banja Luka – au nord du pays –, Milorad Dodik accusait Bruxelles d’avoir «orchestré» sa condamnation et appelait les institutions de l’entité serbe de Bosnie à une «riposte».
Bras de fer à haut risque
Depuis la fin de la guerre, en 1995, la Bosnie est divisée en deux entités autonomes, la Republika Srpska (RS) et la Fédération croato-musulmane, reliées par un faible gouvernement central. Depuis 30 ans, la vie politique et les lois sont en outre supervisées par un Haut représentant international chargé de faire respecter l’accord de paix de Dayton, poste occupé depuis quatre ans par l’Allemand Christian Schmidt. A la tête de la RS depuis 2006, Milorad Dodik déteste ouvertement Christian Schmidt.
C’est pour avoir promulgué en juillet 2024 deux lois interdisant la mise en oeuvre sur le territoire de l’entité serbe des décisions du Haut représentant et des jugements de la Cour constitutionnelle de la Bosnie qu’il a été définitivement condamné vendredi.
Sa mise en accusation a été rendue possible par une intervention de Christian Schmidt qui a modifié le code pénal pour y inscrire une peine de prison et l’interdiction de faire de la politique en cas de violation de ses décisions par les élus.
«Nous allons saisir la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine»
«La copie écrite du jugement a été envoyée aux parties le 1er août 2025, et aucun appel n’est autorisé» contre cette décision, précise la Cour dans un communiqué. Mais Milorad Dodik et son avocat ont affirmé lors d’une conférence de presse qu’ils allaient s’adresser à la Cour Constitutionnelle – celle-là même dont il conteste l’autorité.
«Nous nous attendions à une décision de droit. Malheureusement, nous avons obtenu le non-droit», a vilipendé Me Goran Bubic. «Nous allons saisir la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Nous allons aussi lui demander une mesure temporaire, pour suspendre l’exécution du verdict, jusqu’à ce qu’elle prenne une décision», a ajouté l’avocat, précisant qu’il s’agissait «de la condition pour s’adresser à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)».
C’est normalement à la commission électorale de Bosnie de statuer sur une possible destitution de Milorad Dodik, mais elle ne s’est pas encore exprimée. Le président de la RS, lui, a affirmé devant la presse qu’il n’avait «commis aucun crime au regard de la loi de Bosnie-Herzégovine». «Evidemment, les institutions de Republika Srpska vont se prononcer», a ajouté M. Dodik, «Je respecterai tout décision prise par le Parlement (de la RS), mais je n’accepterai pas cette décision-là».
«Coupable de rien»
En février, Milorad Dodik – qui ne s’était pas présenté devant la Cour d’Etat à Sarajevo pour entendre sa condamnation en première instance – avait rassemblé plusieurs milliers de ses partisans à Banja Luka et rejeté le jugement en affirmant qu’il n’était «coupable de rien». En riposte, il avait ensuite incité le Parlement de l’entité serbe à adopter une loi interdisant à la police et à la justice centrales du pays d’exercer en Republika Srpska et appelé les Serbes travaillant dans ces institutions à les quitter.
Cette réaction lui a valu l’ouverture d’une autre enquête par le parquet, cette fois pour «attaque contre l’ordre constitutionnel».
Visé par un mandat d’arrêt qu’il a sciemment ignoré pendant des mois, il a fini par se rendre à la justice début juillet et a accepté d’être interrogé dans ce dossier, bénéficiant aussitôt d’une remise en liberté conditionnelle.