Cabinet de curiosités
Expert de Rabelais et des cervelas-moutarde, notre chroniqueur nous plonge dans les plis de l’histoire culturelle.
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L’interprétation des fossiles a longtemps servi de justification aux mythes. Sur plusieurs îles de la Méditerranée (Crète et Sicile entre autres) vivaient, au pléistocène, différentes espèces d’éléphants nains (Mammuthus creticus, Palæoloxodon falconeri, entre autres). Empédocle, au Ve siècle av. J.-C., analysait, dit-on, leurs crânes comme étant ceux de cyclopes – l’orifice nasal (celui de la trompe) devenant une orbite unique. Au Moyen Age, c’était souvent un dragon que l’on voyait dans les restes des animaux préhistoriques.
En 1726, le naturaliste zurichois Johann Jakob Scheuchzer a découvert un témoin du Déluge sur la rive allemande du lac de Constance. C’est l’Homo diluvii testis: un fossile d’à peu près un mètre, dans lequel on distingue bien une colonne vertébrale, et un crâne qui pourrait être celui d’un être humain, à condition d’imaginer que l’infortuné est mort d’un coup qui lui a complètement écrabouillé la tête. Scheuchzer en est persuadé: c’est un homme, «[…] dont le tombeau surpasse tous les autres monuments romains, grecs, égyptiens ou orientaux en ancienneté et en savoir-faire». Il continue: «Cette image, que je présente à la réflexion du monde savant et curieux […], est l’une des preuves les plus sûres, voire infaillibles, du péché originel.» Mettre la main sur un contemporain du patriarche Noé dans le Bade-Wurtemberg, la trouvaille était marquante, c’est indéniable.